Règles : La Fin du Mythe ?
Oui, la fin de la mystification est proche ! Car il semble bien que les mentalités aussi bien des intéressées que de leurs médecins aient beaucoup évolué en quelques années.
Ce phénomène "naturel" jouit en fait d'un statut totalement schizophrénique. C'est ainsi que selon les circonstances les règles sont synonymes de "nature", de "féminité", de "fécondité" et de "jeunesse", mais aussi n'en doutez pas de saleté, d'impuretés, de vulnérabilité et de toxicité (les fameuses "toxines!").
De toute façon, vous êtes invitées à vous arranger pour que cela ne se voie pas, n'exhale aucune odeur, ne tache rien, que vous n'en exprimiez la réalité par aucun symptôme.
Faites surtout comme si vous étiez un homme, comme si ça n'existait pas et
— que diable ! — donnez-vous donc les moyens de bâillonner cette mécanique indiscrète par essence. Il y a censure, injonction expresse à effacer ce signe du corps féminin. Convenez que contrairement au sort bienheureux qu'elle réserve à la maternité et à la grossesse la société patriarcale condamne les règles! Petit aparté entre vous et moi: le sang
des règles a donc toujours été vécu dangereux. Pour qui? Pour les hommes bien sûr! Le sperme, "suc précieux de vie" n'a jamais revêtu de connotation sociale négative, bien au contraire. Or la dangerosité du sperme a toujours existé pour les femmes : grossesses involontaires,
MST…). On entend souvent aussi: les règles c'est la "Nature" ! Or, il y a peu, pour une femme, ce qui était "naturel", c'était d'allaiter quand elle n'était pas enceinte et donc d'avoir ses règles tout au plus 1 ou 2 fois/an ! Elle avait en fait moins de 50 fois ses règles pendant toute sa vie! Maintenant les femmes "modernes" les ont en moyenne quelque 450 fois et passent pratiquement la moitié de leur vie avec des règles 13 fois par an. Le nombre d'inconvénients s'en est tout naturellement accru, notamment les syndromes prémenstruels et les douleurs de règles. En 1999, E. Coutinho (Bresil) et S. SEGAL (Population Council), deux pointures scientifiques mondiales vont plus loin dans leur livre best-seller : "Les règles sont-elles désormais obsolètes" ? Et ils plaident pour un "risque majoré d'endométriose, d'anémies, de cancers de l'ovaire… en fonction de la fréquence décuplée du phénomène". En 1995, Jean Cohen et moi-même* nous intéressions déjà au concept "d'aménorrhée médicalement induite" (AMI) que nous pressentions comme
inéluctable. Nous posions la question: "Seriez-vous favorable si votre médecin vous proposait une pilule à prise prolongée avec des règles espacées de 3 ou de 6 mois?" Parmi les 1634 femmes qui constituaient l'échantillon de l'étude, 52,2 % y étaient "très" ou "plutôt" favorables (respectivement 19,9 % et 33,3 %). Et lorsqu'on demandait dans le même
temps aux gynécologues: "Seriez-vous intéressé(e)s par une pilule dont les séquences au-delà des 21 jours traditionnels auraient été validées", ils avaient répondu OUI… à 97 %. La fin du mythe est désormais imminente.
Il aura fallu 50 ans pour que la pilule de Pincus ose dire que l'aménorrhée
médicalement induite n'est pas une proposition surnaturelle : une pilule faiblement dosée, à usage continu (comprimés actifs 28 x 28 jours) aura
sans doute son autorisation aux USA et en Europe fin 2006 et… je vous fais ici le pari que les femmes vont l'aimer ! ■
*J. Cohen, D. Elia, Gyn. Obs., décembre 1995, p. 343.