"Mais si, Docteur ! Regardez ici ! Et là !"
En général, on nous montre alors au moment de se rhabiller une cuisse ou un genou que l'on aurait - ma foi - jamais eu spontanément l'idée de critiquer !
Alors inutile d'y aller de notre "couplet de gynécologue" et de lui affirmer que non, que sa cuisse est parfaite et qu'elle répond d'ailleurs aux attributs de son sexe !
J'ai longtemps tenté d'expliquer qu'il s'agissait là du "trésor de guerre" du beau sexe, que cette graisse que l'on nomme vilainement cellulite, n'est rien d'autre que de la graisse de réserve et que la femme de Cro-Magnon en avait rudement besoin pour mettre au monde et surtout nourrir la colonie de petits que le ciel lui donnerait!
Rien n'y fait, pas même le "registre savant" : "Vous savez, c'est en raison de vos estrogènes que l'enzyme lipoprotéine lipase est activée et qu'elle s'arrange pour fabriquer et surtout stocker là des réserves qui permettront de payer l'addition calorique de la reproduction de l'espèce. Savez-vous, Madame, qu'un kilo de graisse à cet endroit, cela représente 9 000 calories seulement utilisables pour la grossesse et l'allaitement ?"
J'ai donc cessé aussi de vouloir me lancer dans ces explications qui, bien que fort scientifiques et validées par tous les bons auteurs, n'en apparaissent pas moins oiseuses à la plupart des femmes qui vous ramèneront toujours systématiquement à la dure réalité avec un poignant : "Oui, Docteur, mais que pouvez-vous me conseiller pour m'en débarrasser ?"
Et je passe sur les accusations assurément perfides : "Docteur, ce sont les hormones que vous me donnez, c'est sûr... "
Quant à vouloir vous parler des femmes qui, au siècle dernier, se mettaient volontiers des "faux culs" sous leur robe afin de se ménager quelques appas corporels particulièrement sexy, je ne m'y engage surtout pas. Pas plus que l'évocation des Rubens et autres masses adipeuses fort à la mode en d'autres temps : "On n'est plus au temps de Marie-Antoinette, Docteur", m'a lancé un jour une patiente particulièrement agacée par mes efforts compassionnels.
Oui, le corps féminin n'en a pas fini d'être opprimé, tordu, modulé par les modes et les désirs masculins. Etre gynoïde, c'est être femme ! Avoir des seins, c'est aussi être femme : il est des moments d'histoire de l'humanité où l'on a exigé des femmes soit l'atrophie mammaire absolue, soit l'hypertrophie mammaire. Et cela reviendra. Question de mode disent les publicitaires. La cuisse plate est l'attribut androïde (masculin) physiologique de rêve ! Avez-vous remarqué comme les hommes s'en sont toujours bien sortis dans ce contexte ? Qui oserait leur demander d'avoir des cuisses de femmes, d'être absolument imberbe, d'avoir une voix aiguë...? Bon, heureusement qu'on va vers l'hiver !