NEUF MOIS TRÈS PARTICULIERS!
Le sein, ce formidable organe, va subir pendant la gros¬sesse, et dans les mois qui suivent, une véritable révolution tissulaire, hormonale et anatomique. « C'est l'âge d'or des seins ! » s'exclament de nombreux médecins, dont le dis¬cours est empreint d'une certaine tonalité nataliste.
Les seins sont parmi les premiers à exprimer qu'il est en train de se passer « quelque chose » de différent dans le corps féminin. Cela varie bien sûr d'une femme à l'autre, mais parmi tous les petits signes annonçant la grossesse - nausées, somnolence, envies fréquentes d'uriner - le gonflement et la tension particulière des seins sont un témoi¬gnage précoce que l'on retrouve fréquemment chez celles qui n'ont encore qu'un retard de quelques jours.
L'anatomie même du sein change : « Ils n'ont jamais été aussi beaux ! » s'exclament beaucoup d'entre vous, consta¬tant avec étonnement les rapides transformations esthé¬tiques de leur poitrine. C'est surtout sur les côtés que la glande est hypertrophiée et sensible. La peau semble sou¬dain très tendue sur cette glande en révolution. L'aréole aussi change : plus bombée, plus large souvent ; sa pig¬mentation peut déjà se modifier et foncer; sa surface se hérisse de petites élevures, les tubercules de Montgomery.
Beaucoup plus visibles que d'habitude, ces glandes sébacées, indispensables, graisseront le mamelon au moment de la tétée pour réduire au minimum crevasses et autres misères.
Les seins, miroir de la révolution hormonale
Le langage hormonal
Bien entendu, les seins ne subissent pas ces modifications de leur propre initiative. Ils ne sont que le reflet visible de la révolution hormonale qui accompagne la grossesse.
Dès la fécondation et dans les jours qui suivent (à par¬tir du quatorzième ou du quinzième jour du cycle), alors même que l'ovule et les spermatozoïdes se sont rencontrés, interpénétrés, fécondés, que l'oeuf humain se divise déjà à grande vitesse, les ovaires sont avertis et le « branle-bas de combat » hormonal, ce formidable ballet, peut commencer. L'embryon, futur « petit d'homme », envoie aux ovaires ses propres ordres de fonctionnement. Il leur dit en lan¬gage hormonal: « Vous devez maintenant travailler au maximum de votre puissance, pour assurer l'énergie hor¬monale nécessaire au maintien de la grossesse ».
On appelle ce langage hormonal HCG (gonadotro¬phines chorioniques). Les ovaires recevant l'HCG obéissent immédiatement et passent à la vitesse de produc¬tion hormonale supérieure : estrogènes et progestérone se déversent largement dans le corps féminin. Et alors que nous ne sommes qu'au vingt ou vingt-cinquième jour des règles, les quantités d'hormones circulantes sont déjà considérables.
Contrairement à l'habitude - lorsqu'il n'y a pas de fécondation - la production hormonale des ovaires ne sera pas interrompue : il n'y a pas de règles. Les hormones estrogènes et progestérone continuent d'être généreuse¬ment déversées dans la circulation sanguine, assurant ainsi la pérennité de cette grossesse.
Vers le vingt-et-unième jour du cycle, l'oeuf s'enfouit dans la muqueuse utérine (c'est-à-dire dans l'utérus lui-même) pour y faire son nid. Il lance toujours son signal impératif de production hormonale via les ovaires : les gonadotrophines chorioniques sont de plus en plus abondantes. Le test de grossesse qui consiste simplement à doser ces gonadotrophines chorioniques sera positif : il en détectera des quantités suffisantes dès le jour présumé des règles, ou, selon la sensibilité du test, dès les premiers jours de retard.
La transformation des seins
Les seins reçoivent à présent des doses massives d'hor¬mones. La glande (c'est-à-dire les canaux galactophores et leur unité de production lactée) et le tissu conjonctif sont extraordinairement stimulés. Les hormones estrogènes, en particulier, gonflent les seins procurant une éventuelle hypersensibilité mammaire inconfortable. A ce stade, mes patientes me demandent souvent : « Mes seins vont-ils ces¬ser de gonfler un jour ? Cela va-t-il durer jusqu'à la fin de la grossesse? »
Dès le deuxième mois, vous allez atteindre un certain équilibre, les seins resteront volumineux, tendus, mais sans autres modifications spectaculaires.
Vers le deuxième ou le troisième mois, les ovaires quittent la scène hormonale, et le placenta prend le relais. C'est lui qui se chargera de produire de plus en plus d'estrogènes et de progestérone ; mais les seins ne change¬ront plus, ayant atteint un « plateau maximum » de déve¬loppement.