« Docteur pourquoi y a t il de plus en plus de cancers du sein ?
Ce ne serait pas à cause de toutes vos foutues hormones ? »
Elle est la, dubitative et elle me regarde en attendant une réponse immédiate. Malgré les vifs débats épidémiologiques actuels qui se montent le bourrichon à l'infini pour des RR à la limite de la significativité à propos du THS nous voici bien obligés de répondre à notre patiente que ..nous ne savons pas !
Mais j'aurais aussi pu lui répondre:
« Alkylphénols, phtalates, tributylétains,bisphenol A, ça vous parle ? »
- ?
« Et dieldrine,dibromochloropropane-DBCP ,ça vous dit? »
- ??
Et aussi continuer : « quand j'étais petit(e) et que quelque chose n'allait pas c'était toujours la faute de la bombe atomique, maintenant on est plus sophistiqués,on dit que c'est à cause des PE !
Lessives qui lavent plus blanc, rejets industriels et agricoles, rejets humains..les voila les coupables présumés. Les PE, traduisez « Perturbateurs Endocriniens », sont aujourd'hui sur la sellette.
- « Pour parler simple, Madame, ce sont des molécules qui, tels des chevaux de Troie, pénètrent le noyau des cellules avec leur plein accord, puis une fois la place investie révèlent leur horrible vraie nature et transforment alors les cellules en… « Alien ».
- Brr !
L'avantage de cette hypothèse est qu'elle colle bien avec la démagogie ambiante actuelle qui caractérise notre société de ce début de troisième millénaire : elle trouve ici une nouvelle matière à se vautrer dans les discussions de café du commerce du style « industriels tous pourris », « y'a que l'argent qui compte », « on peut crever ils s'en foutent pourvu qu'ils amassent des sous »…etc »
Pourtant, si des poissons exposés ont bien développé des organes reproducteurs « ambigus » ,si certains mollusques se sont bien « masculinisés » au contact de coques de bateaux peintes au tributylétain, si on a bien constaté que certaines coquilles d'œuf d'oiseaux étaient plus minces après exposition au DTT et si –oui, j'ose vous livrer le scoop- des pesticides massivement déversés dans un lac de Floride ont grandement perturbé le développement (et le fonctionnement) des organes génitaux des alligators ,il faut bien dire que nous n'avons pas grandes preuves d'effet délétère des PE chez nous autres , mammifères humains.
Oui ,je sais :même si on évoque la diminution de la fécondité et en particulier de la baisse drastique du nombre de spermatozoïdes de nos contemporains, la modification du sex ratio (en faveur des filles) observé chez des Amérindiens exposés au HCB ou PCB, l'augmentation de l'incidence des FCS ,la dangerosité de certains cosmétiques utilisés auprès des bébé….il faut bien dire qu'en ce qui concerne la responsabilité des PE sur la sante humaine (exceptés la malheureuse affaire du Distilbéne et l'inhalation accidentelle de certains pesticides DBCP), le dossier d'accusation est pour l'instant bien vide.
Alors, faut il dés aujourd'hui recommander aux consommateurs de choisir avec soin leurs produits ménagers, de faire le tri entre les emballages alimentaires en plastique, leurs cosmétiques, de n'acheter leurs eaux minérales qu'en bouteille de verre, d'éviter les pesticides en mangeant « bio », de ne jamais se déplacer sans une liste à jour des produits à éviter...?
Sand doute non ! Mais quid du fameux principe de précaution inscrit dans notre constitution ? Non seulement il est impossible à respecter étant donné la multiplicité des substances mais qui plus est, ici comme en bien d'autres domaines, il serait susceptible d'avoir des effets particulièrement pervers (*).
Il ne faut certainement pas pour autant démobiliser la société à chercher à établir leurs éventuelles responsabilités réelles.
L'Union Européenne a mis en place une stratégie à court terme, (évaluer une liste prioritaire des molécules soupçonnées) à moyen terme (identifier et évaluer les perturbateurs endocriniens) et à long terme (adapter/modifier la législation pour prendre en compte les PE).