«Bonjour, docteur, je viens pour un THS » me dit d'emblée Marie-Louise, une patiente de 54 ans que je suis depuis bientôt 20 ans.
Et elle ajoute d'un ton ferme en s'asseyant : "Vous me connaissez suffisamment pour savoir que je ne veux ni gonfler, ni avoir mal aux seins, ni mes règles - ça dure depuis 40 ans - ni de cancer du sein, ma pauvre sœur, ça suffit comme ça dans la famille".
Au passage, je note qu'elle cite le "THS" avec aisance, comme si notre jargon n'avait plus de secret pour elle ni pour ses contemporaines. Ces baby-boomeuses sont décidément de grandes expertes de leur santé ! Elle apprécie maintenant l'effet de son annonce et attend, un sourire malicieux sur les lèvres.
Alors, moi "tranquille", je lui parle bien sûr estrogènes, progestérone et progestatifs, "sur mesure" et "prêt à porter"... . J'en suis bientôt à la fin de mes explications et vais aborder le der¬nier item - le plus sensible - celui du risque du cancer du sein, lorsqu'elle m'interrompt visiblement assom¬mée d'ennui par mon verbiage : "Pourquoi ne me parlez-vous pas plutôt de ces nouvelles hormones dont j'ai lu, cher docteur, le plus grand bien dans Match, la semaine dernière ?''.
Nous y voilà !
Nous disserterons donc sur les SERM. Traduisez : Selective Estrogen Receptor Modulators.
Entre nous, de sacrées molécules et probablement l'avenir du THS ! Car alors que les estrogènes à notre disposition dans ce contexte ont tous un effet stimulateur sur tous les récepteurs estrogéniques disséminés dans le corps féminin, ces fameux SERM se comportent de façon plus sélective selon les récepteurs. Le tamoxifène par exemple est un SERM positif sur l'os, les lipides et négatif sur le sein, mais... positif aussi sur l'endomètre,on le prescrit aux femmes qui ont eu un cancer du sein pour diminuer leur risque de récidive.
Le raloxifène est totalement négatif sur l'endomètre tandis qu'il est positif sur l'os et les lipides... .On le prescrit aux femmes que l'on veut protéger de l'ostéoporose. Il diminue le risque de cancer dus ein de ..70% !
Les prochains... "oxifènes" sont à l'étude et on attend avec impatience celui qui effacera toute la symptomatologie de la carence estrogénique - bouffées de chaleur, suées et autre sécheresse vaginale - qui protégera l'os, le système cardio-vasculaire, le cerveau (en particulier la mémoire), et bien sûr la peau, des phanères... tandis qu'il se révélera protecteur puissant sur les récepteurs mammaires et utérins. Dans 5 ans, ... 10 ans ? Assez vite en tout cas.
Alors nous aurons la satisfaction et de ralentir au mieux la vitesse de vieillissement de nos patientes et de diminuer- en prime - leur risque spontané de cancers du sein et de l'endomètre. Le beurre et l'argent du beurre !
Marie-Louise m'écoute attentivement et me lance alors, pragmatique : "Bon, ça va, j'ai compris, ce sera au point pour mes filles. Mais en attendant occupez-vous bien de moi".
Elle est repartie somme toute assez contente avec son THS "classique". Nous avons convenu de nous revoir dans trois mois pour "moduler" son traitement. En attendant d'avoir à disposition "les modulateurs défini¬tifs" des récepteurs de notre chère Marie-Louise - et des autres - nous continuons de faire au mieux notre métier d'artisan-médecin avec ... les moyens dont on dispose.