Ne pas prendre de poids, voici bien l'une des grandes préoccupations féminines. La mode est à la minceur, les corps doivent être longilignes, quelque peu androgynes.
Adieu, la cellulite ! Les formes rebondies, si chères aux grands peintres, appartiennent désormais à Ne pas prendre de poids, voici bien l'une des grandes préoccupations féminines. La mode est à la minceur, les corps doivent être longilignes, quelque peu androgynes. un autre siècle ! Aujourd'hui, les médias exercent un véritable ter¬rorisme sur les femmes, qui ne parviennent pas, malgré des efforts surhumains, à ressembler aux modèles de rêve admirés dans les grands hebdomadaires féminins.
Mon propos ne consiste pas à remettre en cause ces grandes tendances esthétiques. Le médecin ne détient aucun pouvoir en ce domaine. Non, mon rôle se bornera plutôt à vous aider à approcher cet idéal. Les conseils donnés ici s'adressent à celles dont la prise de poids n'excède pas 8 kilos. Au-delà, le problème devient autre, et ces recommandations seront nettement insuffisantes.
Vers 50 ans, près de 50 % des femmes se plaignent de prendre du poids. Ce pourcentage considérable ne peut laisser insensible. Il est difficile, à un moment ou à un autre, de ne pas tenter quelque chose. Mais quoi ? Là réside tout le problème. En tant que gynécologue, je n'ai pas la prétention d'être un nutritionniste. Pourtant, au fil de mes consultations, sous la pression croissante de mes patientes, j'ai été amené à élaborer une stratégie. Mais il faut savoir que l'efficacité d'un régime varie en fonction de la personnalité de chacune. Ainsi, lorsqu'un couple entame le même programme d'amaigrissement, il sera parfois étonné de voir l'un perdre du poids alors que l'autre ne maigrit pas d'un gramme ou se met à grossir !
De nombreuses femmes me disent souvent: « C'est l'âge. Il y a dix ans, je pouvais manger n'importe quoi », ou encore: « Ce n'est pas juste; ma meilleure amie mange trois fois plus que moi, je désespère. » Et c'est vrai; les années passant, notre corps semble se spécialiser dans la fabrication du tissu graisseux. Alors que nous pouvions impunément absorber en un temps record bouillabaisse, paella et foie gras sans prendre un seul gramme, voici qu'à présent le moindre écart nous est impitoyablement signalé sur la balance. Plutôt que de s'en désoler et d'accuser stérilement les années supplémentaires, il convient d'adopter une tactique active pour lutter contre cette nouvelle tendance de notre corps.
Comment lutter contre la prise de poids ?
Voici mes réponses :
• Consultez un médecin - vous n'apprendrez pas dans les magazines ni dans les livres, si bien rédigés soient-ils, à rééquilibrer votre alimentation.
Avant que vous entrepreniez un régime, il vous pres¬crira un certain nombre d'examens.
En effet, la quarantaine passée, le cholestérol, en parti¬culier le « mauvais cholestérol » (LDL), et d'autres graisses sanguines telles les triglycérides, ont tendance à augmenter. L'organisme tolère moins bien le sucre, sur¬tout les « sucres rapides » (sucre pur, confiture, boissons sucrées), notre système de glycorégulation devenant plus paresseux.
Les examens hormonaux sont souvent utiles.
Le dosage de la TSH ultra-sensible (hormone hypo¬physaire des commandes tyroïdiennes) réserve parfois des surprises : anormalement élevé, son taux peut révéler une insuffisance du fonctionnement de la thyroïde, capable d'expliquer, en même temps qu'une prise de poids, une certaine « bouffissure » du corps et une lassitude inhabi¬tuelle. Bien sûr, la carence des hormones ovariennes en estrogènes peut tout simplement être à l'origine d'une prise de poids.
• Cette consultation médicale permet aussi de débus¬quer les éventuelles erreurs de votre régime alimentaire : hyperconsommation de chocolat, de beurre, de fromage blanc, de féculents, de boissons sucrées ou alcoolisées... Les indications recueillies au cours de cet entretien nous apprendront parfois l'existence d'un stress important (divorce, difficultés avec un enfant, chômage du conjoint, arrêt du tabac...). Bien que les médecins soient impuis¬sants à gérer ces contrariétés et ces agressions psycho-logiques, il s'avère toujours utile de relier la prise de poids à une cause authentique : en démasquant cette cause, le médecin agit comme un révélateur et persuade son inter-locutrice que cette prise de poids est finalement une réac¬tion du corps aux plus grandes quantités d'aliments ingé¬rés.
• Les analyses de sang effectuées, on peut être amené, en cas d'hypercholestérolémie, à proposer, selon les cas, un régime pauvre en graisses : supprimer toutes celles d'origine animale (sauf le poisson), remplacer le beurre par la margarine, freiner sa consommation d'oeufs, bannir à jamais - ou presque - la charcuterie, consommer des aliments allégés en matières grasses (yaourt, fromage blanc, lait), se méfier des fromages, du chocolat. Mais que reste-t-il alors ? Beaucoup plus d'aliments que vous ne l'imaginez : la volaille, les viandes blanches, les poissons, les laitages - à condition qu'ils ne contiennent que 0% de matière grasse -, les huiles non frites, les féculents tels que le riz, la pomme de terre, les pâtes, tous les légumes, les fruits... et j'en oublie.
Bien sûr, ce régime ne fera maigrir que celles ayant trop de cholestérol dans le sang. Il est, par contre, suscep¬tible de faire grossir nombre d'individus ne présentant aucune anomalie cholestérolémique ! Prenons un autre exemple : la TSH est trop haute; le bilan révèle une insuffisance fruste de la glande thyroïde : inutile, dans ce cas, d'entreprendre un quelconque régime alimentaire ou d'incriminer le stress de la vie. Il faut tout simplement prescrire des extraits thyroïdiens; si le traitement est bien conduit, les kilos s'envoleront.
Considérons un autre cas de figure, celui du taux d'estrogènes effondré - ou presque - en période de péri¬ménopause très avancée ou en situation de ménopause. Les régimes de famine les plus sévères seront sans effet tant que la prise d'estrogènes et de pro¬gestatifs n'aura pas restauré l'équilibre hormonal. « Rien n'y fait, et toutes mes anciennes recettes restent sans effet depuis la disparition de mes règles », me confiait, à juste titre, une de mes patientes. La carence hormonale ova¬rienne provoque inéluctablement une prise de poids
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Le rôle de la diététique
Les cas où tout va bien - cholestérol, fonction glycé¬mique, triglycérides, hormones thyroïdiennes et ova¬riennes... - sont nombreux. Dès lors, seule la diététique résoudra le problème. La solution consistera à adapter aux goûts, au stress, à la philosophie de chacun, une ali¬mentation équilibrée mais variée, gourmande, plaisante. N'oublions pas que manger fait partie des grands plaisirs de la vie. S'en priver, c'est de la gaieté, de la joie, de la sérénité en moins !
On commence seulement à comprendre les mécanismes qui gouvernent le plaisir engendré par l'ingestion des ali¬ments. Le plaisir varie selon sa nature : le sucré détient incontestablement la première place; les protéines pro¬curent un sentiment de satiété rapide et durable. Toutes ces sensations sont traitées, décodées, gérées par notre bio¬chimie cérébrale. Peu à peu, les neuromédiateurs (neuro¬hormones) livrent leurs secrets. Ainsi, on a pu démontrer que l'attrait pour le chocolat provient d'une libération rapide et brutale de sérotonine à l'intérieur de notre masse nerveuse cérébrale. Toutes les activités indispensables à notre survie - manger, boire, dormir, faire fonctionner ses muscles - s'accompagnent d'une mini-explosion hormo-nale nerveuse, dont la finalité est de nous procurer une sorte de « récompense biologique ». Voilà un système des plus astucieux; sans ce plaisir, nous aurions certainement et depuis fort longtemps oublié de manger !
L'humanité a détourné certaines activités vitales de leur vocation première pour n'en exploiter que l'aspect de plaisir : se nourrir (les Romains n'hésitaient pas à se faire vomir pour assurer leurs agapes répétées) ou encore faire l'amour. Mais, si la pratique de la sexualité (même très importante) ne s'accompagne d'aucune modification phy¬siologique ou corporelle néfaste, l'hyperalimentation fait prendre, en revanche, de nombreux kilos supplémentaires.
Parmi tous les procédés susceptibles de mettre nos neu¬romédiateurs en fête, l'ingestion de nourriture reste le plus simple, la plus automatique et, finalement, le plus accessible (tout du moins dans nos contrées), le sucre occupant la première place des aliments « consolateurs ». Une contrariété, un stress inattendu, un conflit insoluble, peuvent provoquer des fringales, des boulimies soudaines de « sucré ». Lorsque vous voyez une « grosse » femme se goinfrant de gâteaux dans un salon de thé, seule, avide et indécente, comprenez qu'elle ne sacrifie pas à une habi¬tude stupide mais qu'elle se recharge, se ressource, pour compenser une profonde inquiétude, un « mal d'être » resté sans solution. Finalement, vous disposez de plusieurs moyens pour baigner votre cerveau de sérotonine ou autres hormones de plaisir. Certains, d'accès facile (l'ingestion d'aliments par exemple), vous séduiront; ils n'exigent aucune dépense d'énergie. D'autres, plus élabo¬rés (se dépenser physiquement) vous tenteront moins; ils demandent des efforts et une participation active.
En fait, ce problème, relativement simple, se résume en une formule : activer ses neuromédiateurs de plaisir et de sérénité, oui! Mais pas n'importe comment ni à n'importe quel prix !
Les moyens simples sont, en général, les plus coûteux en termes de santé : il s'agit de l'usage de drogues et de toxicomanies, à l'action certaine mais au prix souvent exorbitant, pouvant aller jusqu'à la perte de la vie. A un degré d'efficacité moindre mais à un prix beaucoup plus faible, vous retrouverez l'ingestion d'aliments. Enfin, pour un effet supérieur, vous disposerez du sport et de toutes les techniques corporelles (relaxation, yoga, soins ther¬maux ou thalassothérapie). N'oublions pas l'activité sexuelle, essentielle à notre survie. Elle permet à nos neu¬rones cérébraux de baigner, presque toujours, dans un océan d'hormones de plaisir.
Quelques conseils
• Consultez un spécialiste de la perte de poids et choi¬sissez un médecin adapté à votre cas. Il est inutile, sinon stupide, de chercher conseil auprès de grands obésologues, pour lesquels vos 5 kilos superflus sont une plaisanterie sans grand intérêt. Dans le meilleur des cas, on vous assu¬rera galamment que vous êtes très bien ainsi, que vous êtes à votre poids idéal, et que votre désir de maigrir est le reflet d'une névrose collective ! Adressez-vous plutôt à un praticien qui ne méprisera pas vos 2 à 8 kilos supplé¬mentaires. Faire perdre 40 à 60 kilos à un individu ne relève pas de la même démarche ni du même métier que de le faire maigrir de 5 kilos !
• Refusez énergiquement les prescriptions qui, sous couvert de gélules homéopathiques, proposent des médica¬ments dangereux pour votre santé physique et psychique. Le cocktail est pratiquement toujours le même, sous des appellations souvent différentes : prenez un peu d'extrait thyroïdien, ajoutez-y quelques médicaments anti¬angoisses, côtoyant d'ailleurs leur « antidote » sous la forme d'amphétamines, quelques laxatifs, diurétiques... et vous aurez entre les mains une de ces fameuses gélules, qui vous fera à coup sûr perdre du poids mais aussi souvent la santé-et... la tête !
Attention ! Tous les ans, des accidents sont signalés. Ne sacrifiez pas votre santé, votre équilibre mental, parfois votre vie, à la perte de poids.
• Refusez les régimes «minute» à base d'ananas, citron... qui n'apportent pas de réponses dignes d'intérêt. Seul le déséquilibre biologique qu'ils entraînent peut vous faire maigrir. C'est comme si, voulant perdre de la vitesse en voiture, au lieu d'appuyer sur le frein, vous décidiez d'alimenter votre moteur avec un mélange d'essence de fort mauvaise qualité. Nul doute qu'il ralentisse, mais dans des conditions inacceptables. D'autre part, ces régimes, tous basés sur un déséquilibre majeur, ne doivent pas - c'est leur destinée - être poursuivis au-delà de quel¬ques jours. Aussi, dès l'arrêt de ces « contresens ali-mentaires », les kilos reviennent et... le désespoir aussi.