La pilule-médicament : Quand ce n'est pas pour la contraception
La pilule peut aussi se révéler médicament et avoir pour ambition de soigner certaines affections gynécologiques.
Notons que seules deux ou trois indications lui sont officiellement reconnues : la contraception
bien entendu, mais aussi pour certaines d'entre elles les douleurs de règles et l'acné. Les indications dont je vais vous parler maintenant ne sont donc pas officielles même si elles sont d'utilisation quotidiennes dans l'exercice de la gynécologie.
Les ovaires micro-kystiques
Certaines femmes développent, en général dès la puberté, un ensemble de symptômes résultats d'une anomalie de l'ovulation: le syndrome des ovaires micro-polykystiques. Il s'agit de jeunes filles qui n'ont pratiquement jamais leurs règles ou à des intervalles extrêmement longs (1 ou 2 fois dans l'année parfois), une tendance à avoir de l'acné, une hyperpilosité, une séborrhée et pour beaucoup d'entre elles un surpoids non expliqué par le mode alimentaire. A l'échographie les ovaires sont gros, hérissés de multiples petits kystes de l'ordre de 1 ou 2 cm de diamètre. Les dosages hormonaux montrent une anomalie de la sécrétion de L.H. (l'ordre de commande hormonale que lance l'hypophyse aux ovaires afin de déclencher l'ovulation au 14e jour du cycle).
Les ovaires ne recevant plus d'ordre précis n'ovulent plus ou pratiquement plus (expliquant l'absence ou la rareté des règles), fabriquent trop d'hormone estrogènes et d'hormones mâles (expliquant le surpoids, l'acné, l'hyperpilosité, la séborrhée). Viennent s'ajouter à ce tableau de fréquentes douleurs de ventre : les ovaires, parce qu'ils sont gros et parce qu'ils ne parviennent pas à finaliser une ovulation, provoquent des douleurs variables dans leur intensité et dans leur survenue.
La pilule est ici la thérapeutique de premier choix : en bloquant les ovaires, elle leur permet de recouvrer un volume normal et stoppe leur fonctionnement anarchique leur permettant enfin de se «reposer ».
L'hyperproduction d'hormones estrogènes et d'hormones mâles cesse : les signes de virilisation (acné, hyperpilosité, séborrhée) diminuent tandis que le poids est moins sollicité à la hausse. Les douleurs de ventre sont annulées. Les règles surviennent, bien entendu, dans chaque intervalle d'arrêt de 7 jours.
Parfois, sous l'effet d'un choc, d'une émotion, d'une agression, le cycle se dérègle et en particulier l'activité ovarienne un ovaire peut alors développer ce que l'on appelle un kyste fonctionnel. Ces kystes peuvent parfois atteindre un volume considérable de l'ordre de 10 à 15 cm de diamètre. Ils s'accompagnent de symptômes attestant du trouble hormonal ovarien tels que douleurs de seins, gonflement, ... . Ces kystes fonctionnels ne sont pas de vraies tumeurs au sens propre du terme, mais de simples « bulles », bien visibles en échographie, remplies sous tension de liquide. Leur durée de vie est en général éphémère quelques semaines. La prescription d'une pilule peut accélérer la mise à plat de ce kyste (et surtout empêcher que d'autres se développent dans un contexte émotionnel particulièrement favorable). Une ou deux plaquettes de pilules suffisent en général, ce qui sera attesté par l'échographie qui ne retrouvera plus trace du kyste. Dans ce cas, l'arrêt de la pilule (si la contraception n'est pas nécessaire) peut être décidé. Ces kystes fonctionnels sont fréquents et l'on doit toujours tenter un traitement test d'épreuve par la pilule avant de se décider à intervenir chirurgicalement. Porter d'emblée le bistouri sur ces « faux kystes » est une attitude injustifiée.
Certaines femmes ont de telles douleurs, et malaises, pendant leurs règles qu'elles vivent un véritable handicap qui leur portent un préjudice aussi bien social, professionnel que conjugal.
L'on comprend que dans ce contexte, même si une contraception n'est pas désirée et lorsque tous les autres moyens traditionnels ont échoué (médicaments contre la douleur, anti-prostaglandiniques) la pilule puisse être prescrite dans cette seule indication. Il faut savoir néanmoins que 10 % des femmes conserveront quand même des douleurs, cependant parfois de moindre intensité malgré la prise de la pilule.
Ce sont pour ces femmes particulièrement gênées que l'allongement de la durée de prise de la pilule au-delà des 21 jours traditionnels peut être envisagé avec, pour but, de rendre plus rare les épisodes menstruels.
Le cas du syndrome ovulatoire
L'ovulation, survenant en général 14 jours avant le premier jour des règles à venir, est parfois ressentie par certaines femmes sur un mode particulièrement douloureux. Il faut savoir que l'ovulation répond à l'explosion » d'un follicule (une sorte de petite bulle de 20 à 22 mm de diamètre) à la surface de l'ovaire, libérant alors l'ovule qui est aspirée par la
trompe. Cette « explosion » peut provoquer douleurs, spasmes, malaises. Une thérapeutique inhibitrice de l'ovulation telle que la pilule prend ici toute sa valeur. Il faut néanmoins dire que cette indication est relativement peu fréquente.
Il toucherait 15 à 30 % des femmes. Il se manifeste dans les 3 à 15 jours (voire plus) qui précèdent les règles par deux sortes de symptômes : des « gonflements » de seins, du ventre, du visage, des doigts, des cuisses... avec prise de poids, de symptômes comme une déprime, ou une fatigue, ainsi qu'une hyperémotivité avec pleurs.
On conçoit que ces symptômes soient particulièrement gênants lorsqu'ils se renouvellent chaque cycle et surtout lorsque leur intensité et leur durée deviennent importantes.
La pilule peut être l'un des traitements proposés pour tenter de diminuer ou d'annuler ce syndrome prémenstruel. Il est remarquable que peu de femmes sous pilule se plaignent de tels symptômes.
On choisira plutôt parmi les pilules combinées monophasiques (pour tenter de ne pas reproduire même un tant soit peu la séquence habituelle du cycle avec renforcement hormonal prémenstruel).
Il s'agit d'une maladie bénigne au cours de laquelle des îlots de muqueuse utérine ont essaimé dans des localisations tout à fait inhabituelles dans le muscle utérin mais aussi sur les trompes, sur les ovaires, sur les ligaments arrimant l'utérus aux structures avoisinantes. Cette affection se manifeste le plus souvent par des douleurs de règles incoercibles, des douleurs profondes pendant les rapports sexuels, voire une stérilité inexpliquée. Mais il est probable que nombre d'endométrioses ne manifesteront aucune symptomatologie ou pathologie particulière et passeront inaperçues. Les traitements proposés sont de deux ordres :
- destructeurs le plus souvent à l'aide de laser pendant un acte chirurgical,
- à visée atrophiante (en atrophiant considérablement les îlots d'endométriose, on tente de les faire disparaître) on utilise des hormones progestatives à haute dose ou encore des produits induisant une ménopause temporaire (analogues du L.H.R.H.).
La pilule si elle ne représente pas ici une thérapeutique idéale peut se révéler utile à titre d'entretien post-thérapeutique une fois les grands traitements mis en œuvre terminés. Dans ce contexte, le médecin peut choisir d'annuler ou non l'intervalle d'arrêt des 7 jours entre chaque plaquette de telle manière que la prévention de l'endométriose soit un peu plus verrouillée.
A noter : La pilule ne représente cependant pas un traitement de l'endométriose, elle n'en est qu'un traitement de consolidation, de guérison.
Après l'interruption volontaire d'une grossesse
L'interruption volontaire d'une grossesse : le médecin effectue une action abrasive des parois utérines, et, dans le même temps, évacue le contenu utérin. Cette agression utérine peut avoir deux conséquences négatives :
- la survenue de synéchies (accolements des parois utérines entre elles) ce qui peut s'opposer au retour normal des règles (absence de règles après une IVG) ou même poser des problèmes ultérieurs de fécondité,
- le développement d'une infection dont les conséquences à long terme sur la fécondité peuvent être préoccupantes. C'est la raison pour laquelle certains médecins préconisent systématiquement, dès le lendemain de l'IVG, la prise d'une pilule un peu plus fortement dosée en estrogènes de telle manière à ce que l'on puisse bénéficier de l'effet trophique sur la muqueuse utérine et de l'action anti-infectieuse des estrogènes.
Si une contraception est souhaitée ensuite, elle est assurée dès la prise du premier comprimé et continuera de l'être lors du relais avec une pilule combinée minidosée qui surviendra à la fin des 7 jours d'arrêt de la pilule un peu plus dosée en estrogénes. Les premières règles en retour de couches surviendront dans les 7 jours d'arrêt de cette pilule.
Les périodes prolongées d'absence de règles
Certaines femmes n'ont plus leurs règles pendant des périodes longues de plusieurs mois, voire années. Cette éventualité a de nombreuses causes. Les plus fréquentes sont l'anorexie mentale, soit certaines exigences esthétiques (« syndrome de la taille mannequin ») actuellement à la mode, soit un état de dénutrition chronique (régimes alimentaires plus ou moins farfelus) ou encore choc émotif, prise au long cours de certains médicaments psychiatriques... Dans tous les cas, l'absence de règles n'est qu'un symptôme. Elle témoigne d'un dysfonctionnement hormonal majeur même s'il ne s'agit pas d'une maladie au sens propre du terme. Car en général, trouver et soigner la cause rétablit un cycle ovulatoire normal avec règles mensuelles. Mais en attendant de résoudre le problème, le médecin a une préoccupation majeure : ne pas laisser sa patiente privée de ses hormones estrogènes pendant une durée trop prolongée. Entre autres effets délétères, cela aurait pour conséquence possible d'entraîner une décalcification du squelette et d'exposer cette femme à de futurs problèmes de fracture d'ostéoporose. Certaines de ces absences de règles ne s'expliquent que par un manque de progestérone consécutif à une absence d'ovulation : les estrogènes sont ici fabriqués en quantité suffisante et le risque d'ostéoporose n'existe pas. La prescription d'hormone progestative seule pendant 10 jours suffit à rétablir les règles. La prise de la pilule ne se justifie guère ici sauf si l'on désire une contraception. Mais dans d'autres cas, 10 jours de comprimés progestatifs ne déclenchent strictement aucune règles, les dosages hormonaux montrent d'ailleurs un effondrement de la production d'estrogènes.
La pilule peut ici représenter une alternative intéressante puisqu'elle rétablit la concentration estrogénique sanguine. Elle met aussi à l'abri ces femmes d'une grossesse surprise qui peut toujours survenir et dont le diagnostic serait le plus souvent tardif dans un contexte habituel d'absence de règles.