La consultation va bientôt commencer et, tels des acteurs, nous nous préparons à y jouer notre rôle.
Oui, car, nous les gynécologues nous savons encore plus que les autres médecins que la consultation est une mini pièce de théâtre à trois actes :
depuis le "Bonjour Madame..." puis le "Déshabillez-vous, oui le haut aussi..." et enfin le "Bon on se retrouve dans... Allez, au revoir !" Tout se joue en quelques vingt minutes.
Et comment diable faisons-nous pour que cela "marche" le plus souvent possible?
Ces femmes que nous recevons chaque jour sont si différentes, si individuelles, si particulières. Chacune avec sa culture, ses craintes spécifiques, sa façon toute personnelle d'envisager sa santé, ses problèmes de vie du moment, ses expériences passées, la raison médicale qui l'amène chez nous ce jour-là... Il nous appartient pourtant tour à tour de parler, expliquer, insister, gronder, féliciter... en se "plantant" le moins souvent possible.
Notre efficacité médicale en dépend ! Avec Caroline, il faudra déployer tous ses dons de pédagogue, savoir discuter avec souplesse les multiples documents d'informations qu'elle apporte à notre critique.
Tandis qu'avec Jocelyne, il faudra être plutôt autoritaire et sans nuances et qu'avec Martine nous devrons déployer souplesse et tolérance, tandis que Michèle est une femme qui ne "peut sortir satisfaite" de la consultation sans qu'on l'ait rassurée à maintes reprises comme on le ferait pour un enfant craintif !
Voici pour le texte que nous sommes amenés à quasi improviser avec chacune. Se taire, écouter, parler aussi, ni trop ni pas assez, utiliser des mots et des raisonnements adaptés à chacune... ce texte, il nous a fallu l'apprendre comme on dit "sur le tas" ! Car personne ne nous a appris cela. Si ce n'est pas une misère d'avoir usé le banc des facs pendant dix ans minimum pour en savoir si peu une fois le diplôme en poche !
Mais le texte au théâtre n'est pas tout : le décor aussi compte pour que cela soit réussi. Un lieu de consultation avenant, propre (!), apaisant, une secrétaire rassurante, un temps d'attente raisonnable - au-delà de 45 minutes le risque de fiasco est imminent—, sont parmi les éléments non négligeables du succès.
Jusqu'à notre mise, nos mimiques - notre sourire ou notre froncement de sourcils — notre gestuelle, la façon d'écrire l'ordonnance, calmement, rageusement, avec application ou à la va-vite, bâclée: autant d'éléments cruciaux.
Nous aurions tort de négliger cet élément souvent jugé "accessoire" car que cela nous indigne ou pas, il est parfois aussi important pour nos patientes que notre savoir et nos performances diagnostiques et thérapeutiques.
Être un bon médecin c'est aussi savoir comment faire "passer le courant" entre elles et nous.